Sorti le 21 Mai 2014, Always Sometimes Monsters est un petit RPG indépendant qui se propose de nous confronter à nos côtés les plus sombres en nous mettant face à nos choix et aux conséquences qui en découlent. Au travers de l’histoire d’un fragment de vie, Vagabond Dog pose une question majeure : que sommes-nous réellement prêts à faire pour atteindre le but que nous nous sommes fixé ? Au final, nous sommes peut-être toujours parfois des monstres.
Genre : RPG
Editeur : Devolver Digital
Développeur : Vagabond Dog
Plateformes : PC
Vous êtes un écrivain sur le point de signer un gros contrat lors d’une soirée qui semblait vous promettre un avenir prospère. Votre petit(e)-ami(e) à vos côtés, vous trinquez au succès, à l’argent, au futur, etc. que vous pensez désormais vôtre.
Un an plus tard, vous vous réveillez célibataire, le portefeuille à la diète et votre propriétaire vous menace d’expulsion. Autant dire que tout ne semble pas s’être passé comme vous l’auriez espéré. Pour ne rien arranger, vous apprenez que votre ex, dont vous rêvez encore presque toutes les nuits, va se marier dans une trentaine de jours à l’autre bout du pays. Tentant le tout pour le tout, vous décidez alors d’entreprendre un voyage contre la montre dans le but de reconquérir votre bien-aimé(e).
Voici le cadre dans lequel nous place Always Sometimes Monsters, dont la trame narrative se découpe à la manière d’un road movie. Tout au long du parcours, les villes s’enchaînent. A chaque nouvelle halte il s’agit de trouver des petits boulots pour payer vos trajets, votre pitance et, éventuellement, vos dettes. On croise également la route de nombreux personnages, parfois d’anciens amis, parfois de simples inconnus, tous porteurs de mésaventures et de dilemmes.
L’histoire est presque alléchante et les développeurs nous promettent un univers dans lequel chacune de nos décisions aura un réel impact.
Le RPG dont vous n’êtes pas le héros. Il ne faudrait pas perdre de vue qu’ASM se constitue essentiellement de narrations et de dialogues, même si la présence de mini-jeux, sous la forme d’une tentative de hack ou d’un combat de boxe, donne un rythme à l’ensemble. L’intrigue se déroule sous nos yeux et nos actes l’orientent dans telle ou telle direction. Du moins en principe. Dans les faits, on aurait sans doute apprécié que ceux-ci aient des répercussions plus conséquentes. Bien souvent, peu importe l’alternative choisie, la finalité reste la même. L’exemple le plus frappant est l’inévitable « bad ending » du jeu, pointée du doigt comme étant prédestinée par les développeurs. A terme, les possibilités, pourtant nombreuses, sont gainées. C’est dommage, d’autant plus qu’on s’attendait à une grande liberté d’action.
On peut tout de même retenir quelques concepts intéressant dont la sélection très role-play de votre avatar parmi des modèles pré-faits, différents de sexe et d’apparence.
Le décompte des jours et des moments de la journée se fait automatiquement par le biais d’un petit moniteur, dans l’inventaire, qui indique le temps qu’il vous reste pour atteindre San Verdano, votre destination.
La gestion du temps permet également d’accéder à certaines opportunités, qui ne sont disponibles que certains jours ou à certains moments, et qui permettent de débloquer des items ou des revenus. Aidez une femme à se droguer pourrait vous fournir un endroit où dormir lorsque vous vous retrouverez à la rue, alors qu’accompagner un vieil ami à l’église pourrait vous faire passer à côté d’une petite somme d’argent. Et même si le résultat diffère peu, chacun des dilemmes donne accès à une autre version du récit. Il n’est donc pas exclu de refaire plusieurs parties, d’autant plus que les cartes sont assez agréables à parcourir, la recherche des fameux « collectibles » favorisant l’exploration.
Malheureusement, tout n’est pas rose dans le pamplemousse et quelques détails peuvent laisser perplexe comme la gestion de la barre d’énergie. Celle-ci se remplit selon votre consommation de nourriture et peut potentiellement vous coûter la vie si par malheur vous preniez la décision de ne pas vous sustenter avant le moment du coucher. La difficulté réside surtout dans le coût des aliments et la façon dont vous gérer votre pécule, votre unique ressource. Et bien que cette dimension du jeu complexifie l’aventure, on se demande tout de même si elle n’a pas été ajoutée pour justifier l’aspect RPG puisque son importance est assez faible.
De plus, l’absence de traductions françaises pour les joueurs non-anglophones et la frustration de ne pas pouvoir réassigner certaines touches peuvent laisser un arrière-goût amer.
« In this system there can be no right or wrong ». La grande richesse de ce titre est l’univers troublant de véracité dans lequel il nous plonge. La vie y est décrite dans sa réalité la plus dure, parsemée de relations compliquées et de désillusions. Vos espoirs et vos embarras sont certes centraux, seulement les protagonistes que vous rencontrez ont aussi les leurs. Ne serait-ce que les tracas de votre éditeur, emprisonné dans un mariage matérialiste ou l’addiction à l’héroïne dont est victime ce jeune couple d’amis. L’ambiance générale opère un contraste étonnant entre l’histoire d’amour qu’il nous raconte et les faiblesses humaines qu’il nous montre. Dans le même ordre d’idée, les graphismes en 8 bit véhiculent une impression de légèreté ludique qui s’oppose à l’omniprésence des thèmes de la drogue, du sexe et des armes. La musique contribue, elle aussi, énormément à cette atmosphère ambivalente.
Vos choix impliquent toujours votre conscience et vos justifications peuvent toujours être comprises. ASM rend très floue la frontière entre bien et mal et dépeint l’humanité avec une exactitude cruelle. On pousse le vice jusqu’à se demander si le personnage que vous incarnez est bien, au final, le héros de l’histoire et non pas une personne comme une autre dont on aurait écouté le récit.
Ainsi, Always Sometimes Monsters tire son originalité du sujet qu’il traite. Il n’est pas seulement une critique ludique sur la nature de l’être humain mais aussi la preuve que le jeu vidéo n’est pas un simple divertissement et qu’il apporte une réflexion.
Quoiqu’il en soit, je vous conseille grandement ce petit rejeton de RPG textuel à l’ancienne, qui mérite amplement que l’on s’attarde dessus malgré son prix de 9,99€ sur Steam, qui peut sembler assez cher au premier abord.
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